mercredi 5 octobre 2016

La fonction employeur au sein des collectivités : à reformater !

  La fonction employeur, comme toute position de commandement discrétionnaire, est incompatible avec la responsabilité de représenter la population, quoi qu’en disent les textes juridiques actuels. La séparation des pouvoirs dans nos collectivités locales fonctionne mal, le débat démocratique est faible et de nombreux territoriaux souffrent d’un système hiérarchique démotivant et discrétionnaire. La mise en cause des personnes a peu d’intérêt, il s’agit d’ouvrir un vrai débat avec les acteurs de nos territoires et de discuter les rôles et les missions nécessaires pour faire vivre la démocratie locale.
La réponse à vomir… j’ai reçu la lettre-type qui ne dit rien à l’issue de ma première candidature publique de DGS. Ma compagne, qui suit mes pérégrinations professionnelles, comme je suis aussi les siennes de syndicaliste dans un autre milieu professionnel que le mien, m’a interrogé sur l’opportunité d’écrire cette phrase suivante contenue dans le 2ème paragraphe de ma lettre au Président de la Communauté de Communes du Pays Bigouden Sud : « Je vomis ces réponses formatées qui confirment le refus de tout réel échange que j’ai déjà reçues ». N’était-ce pas trop violent, trop accusateur, trop dérangeant ? Oui, le parti pris de sincérité peut être d’abord lu comme une provocation, je le reconnais. Il ne singularise ni mon métier ni ma situation personnelle, c’est le lot de millions de gens. Mais j’ai choisi de maintenir cette formulation parce que j’ai autant le droit de me sentir agressé à la réception de ces lettres formatées que mon destinataire pouvait l’avoir à la réception de ma lettre non-formatée.
L’employeur et le lien de subordination
Il y a un marché du travail, et il y a sûrement plein de candidats, l’employeur doit faire un choix et il a bien des raisons de ne pas perdre son temps avec les candidatures qui lui apparaissent à l’écart de ce qu’il préfère. J’ai proposé une autre vision de la relation entre le DGS et l’exécutif, et en arrière-plan je soutiens le projet d’une autre relation entre l’administration locale et les élus, en mettant en cause le surplomb hiérarchique des élus sur l’administration locale. Je suggère l’élaboration d’un rapport contractuel transparent entre l’exécutif et le DGS. Je peux le dire plus simplement, je ne veux aucun rapport hiérarchique entre les parties, je veux de l’égalité démocratique. Certains ont pensé que la publication de ma candidature était une stratégie marketing pour me faire connaître : pour l’instant, cela ne marche pas ! Non, en réalité, je cherche autre chose au travers de cette publicité, je souhaite vraiment bousculer le tête-à-tête entre l’exécutif et la direction générale des services pour apporter de la lumière au citoyen.
Tout le secteur public a des difficultés dans la gestion de la fonction employeur. En ce moment, parmi tous les prétendants de la droite au siège présidentiel de l’Élysée, nous voyons se développer une sorte de concours à la suppression de postes de fonctionnaires. Ce qui particularise la fonction publique territoriale, c’est la relative proximité des représentants élus avec les agents territoriaux, l’indistinction dans le pilotage de la raison sociale et de la responsabilité employeur est encore ultra-dominante. De ce point de vue, la séparation entre président du conseil d’administration et directeur général des grandes sociétés anonymes ressemble à la fonction publique d’État et à la fonction publique hospitalière alors que la fonction publique territoriale ressemble plutôt au modèle des PME. Dans une remarquable série de vidéos publiées par Médiapart portant sur le métier des inspecteurs du travail, l’un d’entre eux rappelle que leur fonction de contrôle sur les employeurs est justifiée par « le lien de subordination juridique et économique » entre l’employeur et le salarié qui leur commande d’être les garants de la bonne application du droit du travail, dans le secteur privé soumis aux lois du marché. L’inspecteur du travail intervient comme un tiers entre les employeurs et les salariés, il y a un système paritaire dans la fonction publique mais cela ne constitue pas l’équivalent d’un tiers qui tient compte de l’asymétrie (par exemple, « l’employeur a le droit de punir le salarié, l’inverse n’existe pas »), ce qui peut être un handicap notamment dans le secteur public local où la notion de marché de l’emploi n’est pas absente.
Mon sujet n’est pas tant de proposer une comparaison que d’ouvrir un questionnement sur la relation de subordination. En termes simples, est-il légitime que les élus locaux aient un pouvoir hiérarchique, et donc discrétionnaire, sur les agents territoriaux ? Les deux notions sont distinctes, mais très liées. Le chef peut donner des ordres à un subordonné, même si cela n’est pas écrit dans une loi ou dans un texte, ce qui revient souvent à une libre décision du chef, c’est-à-dire à un pouvoir discrétionnaire. Aujourd’hui, les cadres territoriaux comme les cadres du secteur privé ne cherchent plus, dans leur immense majorité, à imposer des tâches dont les agents chargés de l’exécution ne comprendraient pas le sens. Il y a une culture de la concertation et de la participation qui s’est répandu dans la société et dans l’administration, enfin on l’espère… mais la règle juridique reste prioritairement top/down.
La fonction du Maire ou du Président décrite par le CdG35. Il n'y a plus qu'à taper "format C:", reformater !

Le pouvoir hiérarchique mal aimé, le pouvoir discrétionnaire honni
Quand un désaccord émerge, le chef impose et le subordonné doit remonter toute la chaîne hiérarchique s’il souhaite persister dans son opposition et ne pas obtempérer. Dans notre système d’emploi territorial, il faut bien reconnaître que les données des conflits internes aux services remontent souvent mal, que le cheminement est souvent lent avec des niveaux hiérarchiques nombreux, et que le fléchage hiérarchique professionnel est souvent shunté par un élu. Ce fonctionnement structurellement autoritaire, vertical, pyramidal, sensible à la corruption pose de nombreux problèmes d’efficacité et de désengagement des salariés ou des agents. L’organigramme hiérarchique est connu de tous, l’abolition du pouvoir discrétionnaire de chaque niveau hiérarchique reste possible à chaque fois que le niveau supérieur accepte d’en prendre le contrôle. Ce système top/down a fait la gloire de l’industrie taylorienne et de la bureaucratie weberienne, mais il se révèle moins performant dans le contexte plus complexe de notre époque où les expertises se sont multipliées et diversifiées. Le monde en réseau exige moins de commandement, beaucoup d’automatismes parfaitement séquencés et maîtrisés, et de la coordination entre égaux. Dans nos collectivités publiques, la diversité des métiers est très grande, le modèle bureaucratique reste fréquemment inachevé mais la longueur de la chaîne hiérarchique souvent modelée soit par la durée des promotions, soit par la hiérarchisation des formations initiales, a des effets aussi désastreux qu’ailleurs si ce n’est plus. Nous avons à l’évidence beaucoup de retard dans l’automatisation des tâches administratives.
 Le procès en incompétence dans les services publics touchent toutes les hiérarchies comme ailleurs. L’instauration de la fonction publique territoriale en 1984 n’a pas totalement réussi à couper la tête au clientélisme. Le législateur du début des années 80, qui a cherché à redonner de l’autonomie aux collectivités locales, ne voulait pas rogner leur responsabilité employeur, tout en améliorant l’égalité des agents territoriaux. On s’est ainsi beaucoup polarisé sur le recrutement par concours et sur le statut de la fonction publique territoriale. Dans les années 80, il n’y a encore aucune réflexion sur le bouleversement numérique et les changements sociétaux introduits par une nouvelle culture du réseau. On a cru, à cette époque de la décentralisation, que l’instauration du modèle bureaucratique étatique contiendrait les dérives clientélistes. Tout pouvoir discrétionnaire est le ferment du clientélisme, son séquençage ralentit sans doute le phénomène, mais sans le dissoudre totalement.
Le mécanisme corrupteur basique du clientélisme est toujours le même : je suis chef, il y a tel règlement ou telle décision possible qui pourrait t’être préjudiciable, alors je vais être gentil avec toi, je vais utiliser mon pouvoir discrétionnaire en ta faveur. Et personne ne pourra contester mon choix, ou mieux encore personne ne le saura… Le clientélisme ne se différencie pas dans ses principes mécaniques selon qu’il soit mis en œuvre par un élu, par un cadre territorial, un chef d’entreprise ou un cadre du privé. Les élus qui en usent auprès des administrés en usent généralement de la même façon auprès des agents territoriaux, voilà la seule différence pratique. Mais il est clair aussi que la validité du pouvoir hiérarchique des élus est de plus en plus contestée par les agents territoriaux, particulièrement par les cadres, car malgré le considérable effort des élus locaux pour maîtriser la gestion ils n’ont pas la légitimité de la compétence professionnelle : par conséquent, le pouvoir discrétionnaire est de plus en plus identifié comme tel.
La démocratie bottom up, cause commune des agents et des citoyens
Le clientélisme des élus est moins bien toléré que celui des autres parce que nous pensons que les élus sont les représentants de la démocratie. Nous admettons l’accumulation de pouvoir dans les entreprises par les possédants du capital qui peuvent dominer le marché par leur capacité d’offre ou de demande, nous reconnaissons le pouvoir hiérarchique par les managers dans les entreprises et les administrations au nom de la compétence professionnelle, en politique nous croyons à la démocratie et donc le pouvoir discrétionnaire est moins légitime, il prend plus de soin à sa dissimulation dans le système institutionnel.
Aujourd’hui, les jeunes générations revendiquent la démocratie parce qu’elles refusent les chefs, y compris au niveau du travail, elles veulent une démocratie conçue comme une protection de la domination. Savez-vous que les jeunes lycéens rêvent désormais davantage d’être entrepreneur indépendant que de passer par une grande école pour devenir un cadre de haut niveau ? Même si l’on admet que la hiérarchie a sans doute encore de beaux jours devant elle en milieu professionnel au nom de la compétence, la subordination est démocratiquement inacceptable. Le contexte sociétal a changé et cela va se poursuivre, il ne reste plus qu’à en tirer la conclusion : un représentant du peuple peut contracter mais il ne peut pas être le responsable affiché d’une subordination.
La domination de l’employeur patron est trop transparente et contradictoire avec la légitimité démocratique, elle est en train d’entrer dans une zone d’impossibilité pour un élu. La fonction employeur, comme toute position de commandement discrétionnaire, est substantiellement incompatible avec une représentation bottom up de la démocratie, quoi qu’en dise les textes. Si les représentants de la population, tirés au sort ou élus, veulent être crédibles et transparents dans leurs missions publiques au nom de la volonté générale, ils doivent abandonner l’idée que la démocratie pourra continuer à être bottom up pendant les 3 mois de campagne électorale et top down pendant les 6 ans de mandat.
Dans son dernier livre, Louis Chauvel (1), parle de « l’inquiétante spirale des illusions devant le changement social », « cette spirale résulte de notre lenteur à prendre en compte les nouveaux états du monde, de notre paresse, ou simplement de la péremption d’une large majorité du personnel politique et intellectuel qui vit encore dans un monde que les autres ont vu disparaître depuis trente ans ». Il y a un phénomène générationnel, beaucoup de gens admettent encore que la démocratie consiste en une élection qui autorise un rôle de chef, néanmoins l’idée d’une « démocratie pour agir et non plus pour subir » (2) monte et nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir un monde « libre, connecté, coopératif, interdépendant, concret », bref une intelligence collective.


Si nous n’attendons plus de changement par le haut, par la loi ou par le ministère de la Fonction Publique, nous pouvons nous investir dans la gouvernance locale. Nous sommes en réalité tous co-responsables, nous pouvons au moins soutenir l’élaboration de règles internes pour encourager les élus locaux à s'écarter de la fonction employeur. C’est un grand défi pour les années à venir. Le redimensionnement intercommunal associé à la mutualisation des services donne une formidable opportunité d’avancer dans cette direction. Lorsque les agents et les citoyens sauront faire cause commune sur cette évolution, ils seront irrésistibles.

(1) Louis Chauvel, « La spirale du déclassement – Essai sur la société des illusions », éditions du seuil, p 13


vendredi 16 septembre 2016

Le problème de gouvernance de notre système scolaire

Nos écoles souffrent surtout d'un problème de gouvernance, mais il semble invisible et passe en permanence sous les radars de l'information et du débat politique. Un petit voyage entre deux communes rurales peut parfaitement nous ouvrir les yeux : dans la première, en Bretagne, on va voir comment le problème central est parfaitement pointé, avec un peu d'humour caustique, et dans la seconde, direction Lot et Garonne, on va voir comment on peut le résoudre.


Tout le monde a entendu parler du classement PISA et sait que la France recule dans ce comparatif international depuis longtemps. Le problème majeur n'est sans doute pas dans le savoir-faire pédagogique, il est probablement dans la gouvernance de notre système scolaire. Mais cela ne semble pas évident à tout le monde, personne ne semble comprendre vraiment le sujet ou alors de manière très partielle. Pourtant les habitants de Plounérin, commune de 735 habitants à l'ouest des Côtes-d'Armor, ont posté une annonce sur le Bon Coin (!) qui illustre remarquablement le problème, ils ont posé le doigt au cœur du sujet.

Un débat idéologique imperméable au réel

Les Républicains posent en partie la question de la gouvernance en proposant tous de renforcer l'autonomie des établissements scolaires et le rôle du chef d'établissement. Cela donne lieu à un florilège de déclarations dans la veine traditionnelle de la droite bonapartiste, boulangiste et gaulliste que Claude Lelièvre retrace dans un article récent du club de Médiapart pour dénoncer « le culte du chef ». Les lecteurs de Médiapart sont sans doute tous à gauche, ou presque, et manifestent à l'unanimité dans les commentaires leur hostilité à cette orientation qu'ils perçoivent comme autoritaire.
Pour autant, au-delà des intentions idéologiques, personne ne semble bien percevoir le problème pratique évident de cette proposition du renforcement du pouvoir du directeur d'école : peut-être, mais quel renforcement ? L'État peut donner plus de pouvoir sur le recrutement dans l'établissement et sur l'évaluation des enseignants, certes c'est possible, auquel cas on va démonter le rôle de l'inspection académique… Les professeurs ne seront peut-être pas contre, même s'il y a de quoi en douter quand on a entendu les arguments de Céline Alvarez, le jour de la rentrée scolaire sur France-Inter, qui a surtout imploré que l'on cesse « l'infantilisation » des enseignants. Et puis surtout, comment les députés Républicains pourront-ils vraiment donner de l'autonomie au directeur d'établissement quand les collectivités locales ont la main sur toute la logistique scolaire de l'établissement ?
Le problème majeur de la gouvernance des établissements scolaires, c'est qu'il y a deux patrons sous le même toit, le ministère de l'Éducation Nationale et une collectivité locale, et très peu de démocratie dans tout cela. C'est simple, massif, énorme ! Mais le débat idéologique est imperméable au réel.
Bien entendu, il y a une coopération sur le terrain, mais la tension gestionnaire monte depuis des décennies tant du côté de l'État que des collectivités locales et, donc, objectivement les motifs de frottement augmentent. En plus, objectivement, l'activité pédagogique est de plus en plus dépendante de la logistique scolaire, c'est particulièrement flagrant avec le développement du numérique financé par les collectivités locales. Cependant l'annonce du Bon Coin, publiée par on ne sait pas bien qui d'ailleurs de Plounérin, rappelle les bases du système : la commune construit les bâtiments et ensuite le rectorat ouvre une classe en finançant un poste d'enseignant… ou pas. La surdité idéologique est une chose, mais les collectivités locales, y compris les plus petites sont, elles, bien confrontées au réel.

La vassalisation est un piège pour les collectivités et pour l'État lui-même

Les plounérinais protestent sur la RN12
Concrètement, les élus de cette modeste commune bretonne de Plounérin ont cru pertinent d'investir, avec l'argent des contribuables de la commune, mais cela n'engageait pas le rectorat. La commune avait le choix des risques : l'insuffisance potentielle de locaux, ou le surinvestissement, ou tomber juste ! Les fonctionnaires de l'Éducation Nationale aiment beaucoup parler de partenariat quand ils rencontrent les maires, mais c'est souvent au-dessus de leurs moyens, la réalité pratique, c'est la vassalisation des collectivités dont nous ne sortons jamais. Elle a même été accentuée par l'obligation faite aux collectivités avec le service minimum d'accueil en cas de grève des enseignants, cette disposition qui n'a pas été remise en cause après l'alternance est symbolique d'une re-centralisation. La réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon s'est ensuite largement enlisée dans ce piège.
Les plounérinais qui ont posté cette annonce persiflent, mais il y a de quoi être agacé, ils vont supporter une charge très visible dans leur petit budget communal, et inutilement. Ils ont aussi des enfants à l'école, alors ils manifestent sur la RN12 à proximité, ils tambourinent comme ils peuvent puisque les décisions viennent d'en haut, en l'occurrence de l'inspection académique de Saint Brieuc. On est dans l'absurde, dans l'énorme perte d'énergie parce que la gouvernance dysfonctionne et qu'elle reste désespérément pyramidale. Pourtant à 775 kms de Plounérin (d'après google maps), un Maire d'une autre petite commune de 500 habitants a trouvé le moyen de ne pas se faire prendre dans le même piège, en anticipant pour assurer ses effectifs.
Faut-il renforcer le pouvoir du chef d'établissement ? Les députés n'y pourront pas grand-chose, et les prises de position hostiles non plus. Ce qui devrait compter, c'est l'avis de la communauté autour des enfants : les parents, les enseignants, les responsables des moyens. L'État gère une partie des moyens avec des règlements aveugles aussi bien du côté des charges (les rémunérations des enseignants) que des ressources (la fiscalité et pratiquement aucun impact du nombre de scolaires sur les dotations des collectivités) et veut tout commander : c'est incohérent !

L'État n'a plus les moyens d'être le maître de la pédagogie

Blanquefort sur Briolance, 500 habitants, dans le Lot-et-Garonne
Il faut développer de l'intelligence collective avec les parties prenantes, et faire tomber la frontière qui laisse tout pouvoir en matière pédagogique à l'État et à ses personnels enseignants. On ne peut pas motiver la communauté locale autour des enfants en limitant la concertation à la logistique scolaire, c'est impossible, le système centralisé actuel commence par parcelliser et réduire autant qu'il peut les pouvoirs des intervenants auprès des enfants, c'est insupportable ! Les familles veulent des pédagogies modernes, des Céline Alvarez qui expliquent ce qu'elles font, pourquoi et comment.
Sophie Gargowitsch, la Maire
qui mobilise toute la communauté
 Quand la maire de Blanquefort sur Briolance s'est inquiétée de maintenir les effectifs scolaires dans sa commune, comment s'y est-elle pris ? Sophie Gargowitsch, la Maire, a tout de suite cherché ce qui pouvait motiver les parents à scolariser les enfants sur son territoire, réponse : la pédagogie Montessori ! Elle a négocié, elle a mobilisé les parents, la commune voisine, un inspecteur d'académie qui connaissait plusieurs enseignants qui ne demandaient que cela, une petite opération de crowdfounding par là-dessus. Résultat : une classe Montessori a ouvert le 1er septembre 2016 dans une commune de 500 habitants du Lot-et-Garonne, financée comme n'importe quelle autre classe publique par l'Éducation Nationale.
En réalité, l'État n'est pas malveillant, il a des structures autoritaires un peu archaïques, il est souvent contraint de contenir les pressions contradictoires qu'il subit, mais surtout il est faible. Il n'a pas en mains les clés de la solution, ce n'est pas lui qui va d'en-haut animer l'intelligence collective dont on a besoin autour de chaque école. Bien entendu, dans les rangs de l'Éducation Nationale il y a des oreilles plus ou moins prêtes à coopérer, mais à un certain moment il faudra bien se tourner vers d'autres pratiques, inventer des collaborations nouvelles, engager la communauté sociale autour de l'école.
Aucun ministre ne pourra venir siffler le début du changement mental qui conduit à faire collectivement sans attendre qu'un chef le dise. Que des centaines de Plounérin se lèvent, que des milliers de Blanquefort sur Briolance s'organisent !



mercredi 14 septembre 2016

Publication de ma candidature à Rosporden (29)

 Je continue à publier mes candidatures après celle transmise au Président de la Communauté de Communes du Pays Bigouden Sud (qui n'a pas encore reçu de réponse). En voici une deuxième, où je réponds à une offre de poste de DGS de la commune de Rosporden, 7500 habitants, dans le Finistère. En fait, vous allez lire ce qui ce n'est pas tout à fait encore une candidature auprès d'un maire élu avec son équipe le 3 juillet 2016.
Cette fois-ci, je fais juste quelques lignes de préambule et je mets directement ci-dessous la lettre adressée au maire de Rosporden. La publication de ma première candidature a connu un certain succès d'audience. 
J'ai compris que nombre d'entre vous, même si finalement je n'ai reçu pratiquement aucun signe d'hostilité à ma démarche, estiment que j'agis avec beaucoup de culot. Je reconnais une part de provocation dans ma façon de faire. Mais je tiens à faire passer auprès des élus, et davantage encore auprès de mes collègues, qu'il n'y a pas de hiérarchie à supposer ou à accepter entre la fonction élective et la fonction administrative. Les légitimités politiques et professionnelles sont de nature différente, elles sont à articuler par un contrat libre et public, et non à subordonner.

Dans la situation actuelle de crise de la représentation démocratique, j'invite mes camarades DGS à revoir leur positionnement et à agir pour lever le soupçon, qui pèse désormais sur eux, d'intégrer une oligarchie aux yeux des citoyens. Cette crise dénonce une rupture du principe d'égalité entre les citoyens et une élite composés d'élus, d'experts et d'administrateurs. Admettre le principe de la soumission du DGS à l'exécutif, comme je le lis parfois, est une façon détournée de valider cette rupture d'égalité démocratique, et d'admettre discrètement par la même occasion la multiplication des rotations de fonctions entre élus et hauts fonctionnaires territoriaux qui sont le propre de l'entre-soi oligarchique.

Voici donc, la lettre adressée au nouveau Maire de Rosporden : 
   

Monsieur le Maire,

J'ai pris connaissance de votre offre d'emploi sur le poste de DGS paru sur le site web de la Gazette des communes et je viens vous offrir mes services, ce qui ne signifie pas forcément que je me porte candidat. Je viens vous expliquer par la présente la nuance. Et c'est pour moi une façon d'entamer un vrai dialogue avec vous, d'être vraiment sincère et de vous laisser apprécier si je puis vous être utile ou non.
Vous pourrez voir sur mon CV joint que j'ai une expérience significative du poste de DGS et de la collaboration avec les élus locaux, sous des angles variés qui ne se limitent pas au métier de DGS. J'habite à CXXX depuis quelques mois, je suis disponible, j'ai conscience de l'inconfort de votre situation et il est à mes yeux essentiel que vous usiez – comme j'en use moi-même, vous allez vite le vérifier - de la plus grande liberté pour que notre échange fasse sens.
Pour l'instant, je sais que Rosporden est dans une situation atypique avec les élections qui ont eu lieu au début de l'été 2016. Une antenne bien informée (hors de vos murs) m'a dit que le personnel vit un certain désarroi depuis 2 ans. L'annonce d'offre d'emploi ne m'a rien appris d'utile, vous ne faites pas plus mal que les autres mais pas mieux et c'est déjà un problème !
Les 6 premiers mois pour les nouveaux membres de l'exécutif, pour le maire mais aussi pour les adjoints, sont cruciaux. C'est dans cette période de découverte que vous vous faites votre place ainsi que votre image auprès des personnels. Mon expérience territoriale dit que la plupart des élus s'installent dans les interstices que laissent l'administration municipale. Ces interstices sont plus ou moins amples, suivant les circonstances locales, et il est ensuite assez difficile de recadrer les rôles respectifs. Vous êtes en situation de fragilité parce que vous ne maîtrisez pas encore votre environnement et vous êtes en train de dessiner votre rôle. J'en viens au fait essentiel : je suppose a priori qu'il n'est pas aisé pour vous de cadrer avec pertinence la relation avec un nouveau DGS, c'est trop tôt. En plus, vous avez un mandat réduit à 4 ans, pas facile !
Bien évidemment, avec 25 ans d'expérience de mon côté, j'ai eu le temps de me forger quelques idées sur la question. Dans votre cas, en général, les nouveaux élus attendent surtout du DGS une réassurance par l'apport de la sécurité juridique aux procédures municipales dans le domaine financier, de la gestion des personnels et de la conduite de projets. Un DGS est là pour ça, tous les personnels sont là pour ça. Cette attente est légitime.
Mais cela ne suffit pas. Où est l'âme de Rosporden ? Quelle est la raison d'être de tous ces services municipaux déjà existants, faut-il les diminuer, les augmenter ou les réorienter? Que veulent les Rospordinois ? Les candidats DGS n'en savent rien, en plus ce n'est pas le travail du DGS, il n'a aucune légitimité politique pour ce décryptage, mais il a besoin de savoir.
Si je refuse d'afficher ma candidature à ce jour, c'est parce que j'estime indispensable que nous soyons d'accord sur la règle fondamentale de collaboration suivante : la mairie n'a pas d'importance primordiale, ce qui compte d'abord c'est la raison d'être collective de la population du territoire municipal, le rôle des élus est d'écouter, et éventuellement d'interpréter, où les Rospordinois veulent aller. Quant au DGS, son rôle est d'écouter les personnels municipaux et de les soutenir avec une vision globale nécessaire à la mise en œuvre des réponses techniques à la volonté générale rospordinoise.
Le CGCT ne dit pas qu'il est nécessaire d'avoir des principes et des règles internes de fonctionnement dans une commune. Je viens vous dire qu'une relation contractuelle et transparente est fondamentale pour que la démocratie locale fonctionne véritablement. Pour le dire autrement, je ne souhaite pas travailler avec des élus qui se prennent pour des décideurs, je ne suis pas un DGS qui souhaite non plus commander les agents. C'est tout un travail de faire émerger la volonté générale, y réfléchir vraiment vous fera sans doute vite prendre conscience, si ce n'est déjà fait, que vous êtes bien démunis pour que « l'âme rospordinoise » s'exprime. Ce n'est très pas grave, l'essentiel est que vous ne démissionniez pas de cette fonction politique. Le DGS doit mobiliser les savoir-faire et les développer, il sera confronté lui aussi à des demandes de décisions et d'arbitrages de la part du personnel, ce n'est pas grave non plus. Tout le monde est habitué à vivre avec des chefs, cela a façonné les comportements sociaux, il faudra continuer à décider un peu mais c'est un pis-aller et le but est de s'en libérer.
Je suis venu vous dire que la démocratie, ce n'est pas le fantasme du pouvoir. Dans le réel, j'ai fait quelques centaines de séances en bureau municipal qui me permettent de vous en assurer, personne n'aime décider. Soyez soulagés, la démocratie est l'art de mettre en commun la décision et d'avoir à la porter le moins possible tout seul.
Sans doute suis-je un messager bien singulier. Faute de bons rails et d'une vision claire de ces questions du rapport entre le pouvoir et la démocratie, faute d'expérience tout simplement, beaucoup de vos collègues élus se trompent. Les nouveaux élus vivent dans le doute de leurs compétences, c'est une situation inconfortable mais saine. Alors la tentation est grande de s'installer dans les interstices de l'administration locale qui vous tendent les bras, de plonger dans les responsabilités de chefs, en surplomb des responsables administratifs et du DGS… et de tourner le dos à votre fonction de représentant des citoyens. L'élection ne vous donne ni capacité ni compétence professionnelle d'administrer, elle vous donne le devoir d'animer le débat public. Bien entendu, l'administration municipale peut et doit être mise à contribution pour soutenir cette animation du débat public mais c'est une collaboration, ce qui ne se confond pas avec un rapport hiérarchique.
J'ai décidé de publier mes candidatures sur mon blog et sur les réseaux sociaux et les réponses qui leur sont faites, je ferai de même pour cette lettre. Je brise les habitudes de confidentialité des recrutements de DGS, parce que la transparence est due au patron ultime, la communauté des citoyens.
Ne vous laissez pas aller au formatage, votre annonce d'offre d'emploi est peut-être déjà un indice du poids de la tentation. N'ayez pas peur, méditez, dialoguez, je vous livre une véritable vision de ma fonction. Je n'envisage pas de vous l'imposer, je suis disposé en revanche à me rendre disponible, bien au-delà d'une séance devant un jury de recrutement, si vous me le demandez, d'une part parce que je vous imagine sous la pression de différentes urgences et d'autre part parce que si vous recevez pleinement le message que je vous transmets par la présente un mûrissement est probablement pertinent.
Veuillez croire, Monsieur le Maire en l'expression de mes sincères salutations.


mercredi 31 août 2016

Pourquoi je publie ma candidature au poste de DGS

Je viens, par cet article, expliquer pourquoi j'ai eu l'idée de publier mes candidatures ici et ailleurs sur les réseaux sociaux. Cela a l'air saugrenu, j'ai tout de même quelques raisons et j'ai même l'espoir de vous convaincre qu'elles sont bonnes, voire de vous inciter à faire de même si vous pratiquez une profession comparable à la mienne !

D'abord, cela pourrait apparaître comme une méthode désespérée. Je cherche un emploi de dirigeant dans une collectivité territoriale, a priori plutôt une communauté de communes, j'ai 56 ans et je constate une énorme différence de taux de retour par rapport à ma recherche d'emploi de 2009. Il est donc vrai que, effectivement, je n'ai pas grand-chose à perdre. C'est en même temps l'occasion de souligner la contradiction flagrante des injonctions sociales qui disent tout et le contraire : soyez mobiles, travaillez plus longtemps, l'expérience est fondamentale mais... on ne veut pas de candidat de plus de 50 ans ! Et, comme il y a le choix, le formatage s'accentue sur la question de l'âge comme sur bien d'autres critères.

Le risque de détricotage de la fonction
Cependant, ce qui n'est pas faux n'est pas suffisant. Je ne pense pas que j'aurais imaginé cette démarche sans les particularités de mon métier, de son contexte et sans une perception personnelle très engagée de la vie professionnelle. J'ai toujours fait partie de ces 9 % d'employés engagés dans leur travail, et quand j'ai senti que cela risquait de ne plus être le cas, j'ai préféré ne pas renouveler le contrat avec mon dernier employeur. Je partage depuis longtemps l'idée exprimée par Claude Mahier, fondateur de la Lettre du Cadre territorial, selon laquelle le poste de directeur général des services en collectivité devrait être exclusivement contractuel, et dans tous les sens du terme.
Le métier de directeur général des services (DGS) est d'abord une collaboration avec un élu maire ou président et son équipe et une fonction de direction des services de la collectivité. Ces dernières décennies, nous avons vu les élus au profil gestionnaire s'affirmer en même temps et parallèlement à la montée en puissance de la fonction publique territoriale. Il s'est ainsi construit silencieusement un déni de réalité de plus en plus encombrant dans l'articulation entre la légitimité publique de l'élu et l'invisibilité sociale des professionnels territoriaux. Je me souviens particulièrement, pour avoir travaillé 2 ans dans une petite ville du Finistère de 15 000 habitants, Douarnenez, du fiasco subi par le Maire et par la ville. Le Maire de Douarnenez était un homme très populaire, largement élu 4 fois de suite, puis battu en 1995 parce qu'il s'était lancé dans une opération audacieuse de port-musée en s'appuyant exclusivement ou presque sur son équipe d'élus mais avec une expertise territoriale interne à l'évidence très insuffisante. Or cet aspect a été constamment gommé du débat public. Je me souviens surtout de mon dernier emploi de DGS où il m'est apparu que moins les élus avaient de projet pour leur collectivité plus il voulait s'affirmer en tant que patron de la structure municipale. Pour exercer sa fonction, le DGS n'a pas forcément besoin de beaucoup de visibilité publique mais l'invisibilité totale des règles du jeu entre les élus et l'administration au sein de la collectivité porte le risque d'un détricotage de la fonction du dirigeant des services.

La transparence due à un emploi public
J'ai largement développé sur mon blog les travers de l'aspiration patronale des élus, qui ont la tentation de détourner leur légitimité politique pour occuper eux-mêmes un pouvoir au sommet de la pyramide hiérarchique de leur institution locale. Il s'y mêle la tendance des exécutifs à vassaliser les assemblées, la culture administrative hiérarchique, la contamination de l'État en général, et un désengagement démocratique local qui passe sous les radars. Le fond de ma motivation à publier mes candidatures en collectivité est là : face à une demande sociétale de plus d'égalité citoyenne, il ne suffit pas de critiquer les élus locaux, les DGS doivent eux-mêmes participer à plus de transparence. A ce point de réflexion, il me paraît raisonnable de sortir mes propres candidatures de la confidentialité.
Après tout, les gens ont le droit de savoir, c'est un emploi public, payé avec l'impôt local. Quand le Président de la communauté bigoudène du sud (environ 40 000 habitants autour de Pont l'abbé) indique dans l'offre d'emploi, à laquelle je réponds, que le DGS « assiste le Président pour la définition des orientations stratégiques », on doit bien l'accès à l'information aux bigoudens sur les compétences et les motivations des candidats à ce poste, non ? D'autant que la formulation est en soi problématique : j'avoue que, en tant que candidat, je ne pas connais pas encore à ce jour les orientations stratégiques de cette communauté de communes, ce n'est pas forcément encore très important pour moi à ce stade. En revanche, qui définit ces orientations, au nom de qui ? Voilà ce qui doit être clarifié ! Soyons clairs, je ne veux porter aucune incrimination à l'encontre du Président que je ne connais pas encore ou sur sa communauté, je pense qu'on pourrait lire ce genre d’ambiguïté sur bien des annonces. L'enfer est dans les détails, dans ce type d'apparences innocentes que peu de personnes arrivent à percevoir avec la profondeur suffisante, et c'est pour cela que je suis un professionnel, c'est pour cela que je dis qu'il faut en finir avec la confidentialité injustifiée. Il est, j'espère, facile après ces quelques paragraphes de développement de comprendre que la publication de ma candidature est une réponse à un problème et qu'il ne s'agit pas d'une lubie personnelle.
Je signale aussi rapidement qu'il n'est pas certain que l'annonce, à laquelle je réponds, corresponde à une offre réelle. Les plus avertis du monde territorial savent que nombre d'appels à candidature sur ce type de poste sont « bidons ». C'est d'abord critiquable en soi de faire croire qu'on met des candidats en concurrence quand on a déjà un candidat dans la manche : cela coûte un peu d'argent, mais surtout cela produit un effet de soupçon permanent et d'hypocrisie délétère, un jeu d'ombre où le relationnel se dissimule dans une procédure officielle qui n'existe que pour les non-initiés. Ce n'est ni transparent, ni égalitaire, pas vraiment démocratique, mais c'est une pratique courante ! Cette remarque est de portée générale, elle ne concerne pas davantage mon interlocuteur choisi qu'un autre.

Faire sortir la démocratie locale de l'institution
Derrière ce premier pas, il y a d'autres enjeux bien plus importants. Je pense d'abord à la centaine de fonctionnaires de cette collectivité, et un peu à tous les autres. Ils vivent dans le système de la fonction publique territoriale extrêmement pyramidal et hiérarchique, indifférent à la situation locale. La pression financière qui pèse maintenant sur les collectivités va surtout impacter la masse salariale dans les années à venir. Il faut rétablir le lien entre la population locale et ses collectivités publiques, contrecarrer le plus vite possible l'isolement social des fonctionnaires, agir localement pour rompre cet apartheid, cette ignorance organisée entre les personnels et les usagers. Surtout, ne reproduisons pas le schéma social de désespérance des grandes entreprises publiques dans nos collectivités locales. C'est notamment dans cette perspective-là qu'il convient d'aborder les questions de la mutualisation des services, des conditions de travail et des rémunérations. Cessons de ne nous mettre en arrêt devant toutes les décisions du ciel ministériel, osons parler des emplois territoriaux à la population locale.
Il faut que le débat public local s'ouvre, que les relations entre les citoyens et les collectivités changent, que les questions de fiscalité locale, de développement de l'économie collaborative soient mises sur la table, que l'on fasse découvrir la distinction entre le public et le commun, etc. En un mot, faisons sortir la démocratie locale de l'institution, voilà pourquoi je ne veux plus candidater dans la confidentialité.


Mon CV   

Post-scriptum du 9/9/2016La Gazette des communes m'a appelé et vient de publier un article à la suite de mon texte ci-dessus. On y lit notamment la réaction suivante de Laurent Bacquard du SNDGCT : « La légitimité du dirigeant territorial, du DGS et de son équipe de direction, ne vient que de la relation à l’autorité territoriale, qui elle a été élue ! » Je suis en désaccord profond : la légitimité du DGS (et des territoriaux en général) est professionnelle, et la légitimité des élus est politique. Il ne peut pas y avoir de hiérarchie entre deux légitimités qui proviennent de sources différentes, la relation ne peut être que contractuelle. Premièrement, l'élection ne saurait donner une qualification professionnelle, deuxièmement ce sont les citoyens les commanditaires ultimes.
Je ne suis pas DGS pour défendre une vision pyramidale dans mon propre métier, et pas davantage pour que l'exécutif exerce une fonction employeur dont les citoyens ne savent rien. Le SNDGCT n'a pas demandé un cadrage par la loi sans raison, mais sa position apparaît ambiguë, il me semble évident qu'il doit clarifier.
Il y a une question d'éthique : le DGS est au service de l'exécutif ou au service des citoyens ? Si ce n'est pas la même chose, nous vivons dans la schizophrénie. Si c'est la même chose, la transparence ne devrait pas déranger et donc la confidentialité du recrutement du DGS n'a plus vraiment de raison d'être.

lundi 4 juillet 2016

Quels élus pour ouvrir la démocratie locale ?

Il y a une demande de démocratie dans notre société qui ne se limite pas à la sphère politique. Large et plus profonde, cette demande touche le travail, la famille, elle transparaît par une conception plus collaborative qu'autoritaire de faire société. L'égale liberté d'expression a traversé les sphères publique et privée, non seulement la voix d'une femme vaut celle d'un homme, mais même les enfants ont acquis discrètement au cours du 20ème siècle le droit de parler à table. C'est peut-être finalement le monde politique qui se trouve aujourd'hui le plus déphasé avec cette évolution rampante, souterraine et rhizomatique de la société (1). Contrairement à ce qui se dit souvent, la proximité expose davantage encore les élus locaux à cette mise en cause de l'ordre social vertical que les élus nationaux. Comment peut-on s'y prendre pour ouvrir la démocratie locale ? Et comment imaginer le rôle futur des élus face à cette exigence ? Auront-ils encore une place ?

Sabine Girard,
commune de Saillans
« Nous avons été élus pour organiser le débat public » : Sabine Girard, adjointe en charge de la communication de la commune de Saillans, propose une nouvelle posture pour les élus locaux. Cette formulation, aux allures anodines, contient peut-être toute la réponse.
Il y a eu une époque où l'accession aux responsabilités municipales était essentiellement un honneur dans la société locale, puis l'élection municipale a représenté un espace élargi des débats dominés par les partis politiques nationaux. Cela a non seulement largement vassalisé les institutions locales aux pouvoirs centraux mais cela a aussi réduit le débat public local aux enjeux nationaux de conquête partisane de sièges. Une lente évolution parallèle a conduit l'élu local du tableau d'honneur ou d'apparat à une fonction de gestionnaire, décideur, patron de son administration.

La certitude béate d'être élu pour prendre des décisions

La démocratie se définit par la source populaire de son pouvoir et par son mode d'exercice du pouvoir. La politique protège de la guerre, c'est le fameux principe de Max Weber du monopole de la violence légitime, le citoyen doit en contrepartie obéissance à la loi et aux autorités publiques. Mais aujourd'hui le citoyen attend quelque chose de plus de la démocratie : il veut être respecté, c'est-à-dire protégé de la domination pour exprimer librement sa raison d'être qu'il n'assimile plus forcément à celle d'une autorité supérieure, qu'il s'agisse de la religion, de la mère patrie ou de la République. Aujourd'hui, les représentants élus se soumettent à l'élection et la voix du citoyen s'exprime par un bulletin muet une fois tous les 6 ans. Puis les élus détiennent le monopole de la production des règles, ils parlent et les citoyens se taisent durant le mandat dès le vote, pendant la campagne électorale suivante et jusqu'au vote, et on recommence. Les élus interprètent le mandat comme ils le veulent, dès la soirée électorale puis l'opacité bureaucratique laisse tomber un long écran noir. La proximité du mandat local optimise les possibilités de recevoir les protestations de la rue en direct, mais la domination par l'institution publique n'en est que plus facilement critiquable.
Dominique Rousseau :
 "les élus détiennent le monopole de la production des règles"
La démocratie doit permettre au peuple d'être lui-même et de décider, mais les élus se positionnent souvent en décideurs. Les élus d'aujourd'hui se pensent bien souvent en nouveaux aristocrates et ils s'abandonnent avec quiétude dans la certitude béate que la population leur a confié par l'élection un pouvoir de prendre des décisions suivant leur jugement personnel au nom des autres. Mais en démocratie, personne ne peut décider à la place de quelqu'un d'autre, la décision collective ne justifie pas une position de maître ou une hiérarchie. Les représentants démocrates ne devraient pas envisager de penser à la place des autres, mais le système représentatif les pousse à interpréter la volonté du peuple pour que l'administration la mette en œuvre. Il y a une dégradation démocratique, dès que ne sachant plus faire l'interprétation, les élus abandonnent l'investigation afin de connaître les intentions populaires pour ne plus écouter que ceux qui ont un intérêt à exprimer, une expertise appointée ou une fonction administrative . Le discrédit des élus tient aujourd'hui au sentiment de la population qu'ils sont plus influencés par les experts et les groupes de pression que par une prise en compte des priorités citoyennes. Il y a encore pire, faire parler la « majorité silencieuse », c'est-à-dire exploiter les opinions simples et déconstruites pour se concentrer sur la concurrence électorale, on entre alors dans la démagogie. C'est un modèle que chacun, hélas, est capable d'illustrer de nombreux exemples nominatifs.
Après sa source populaire, la démocratie se définit aussi par un mode d'exercice du pouvoir qui va permettre de nourrir le débat public. La vulgarisation du savoir est fondamental, c'est le seul réel anti-dote à la démagogie. Le problème contemporain, c'est que notre conception du savoir est encore excessivement polarisé par l'académisme. La science contemporaine bouscule le vieux causalisme par le développement de sources d'efficience nouvelles, notamment avec le traitement automatisé des données. La démocratie a besoin d'éducation populaire, cela signifie qu'elle doit être nourrie par des réseaux de compétences diverses et non hiérarchisées qui ne s'articulent pas dans un rapport mécanique de la théorie et de la pratique, mais dans un rapport vivant d'échange entre la conception et l'expérimentation.

L'ancien modèle social révolu, les institutions n'ont plus d'autorité

Ouvrir la démocratie aujourd'hui, c'est renoncer aux représentants qui se substituent au peuple incapable pour chercher tous les moyens de faciliter l'auto-organisation collective. Pour cela, il faut respecter la source populaire du pouvoir en intégrant l'expertise à son service au lieu d'opposer l'expertise au bon sens populaire, il s'agit bien sûr d'éviter l'écueil populiste. Mais il s'agit aussi de rompre avec l'autoritarisme qui s'appuie sur des institutions qui ont perdu leur autorité. Les bonnes institutions consacrent un modèle social et lui donnent les moyens de prospérer dans la stabilité. Mais lorsque l'équilibre du modèle social est dépassé, l'utilité du droit est décentrée sur la préservation de la puissance des tenants d'un ancien monde. Or précisément notre ancien modèle social fondé sur le salariat, l'exploitation illimitée des ressources naturelles et l'État-nation comme régulateur principal, est révolu.
Quand de nouveaux élus commencent leur premier mandat, ils se demandent ce qu'ils vont faire concrètement, ils ont souvent l'impression de s'être lancés dans l'inconnu total, d'être incompétents. L'inconfort est particulièrement ressenti dans les petites collectivités, loin du professionnalisme politique, et par les femmes qui ont rarement spontanément le sentiment de légitimité que la virilité est supposée incorporer naturellement. Beaucoup de ces élus découvrent progressivement, et souvent de manière non-dite l'écart considérable de la position dans l'exercice du mandat entre les membres de l'exécutif et les autres membres de la majorité municipale, ce douloureux fossé creusé par la différence de proximité avec les agents territoriaux se pose moins dans l'opposition.
Au niveau des adjoints, parfois du maire s'il n'a pas d'expérience municipale, on va découvrir en quelques semaines les arcanes de l'organisation municipale en collaboration, plus ou moins tendue après une alternance, avec l'administration municipale. Puis ces nouveaux élus de l'exécutif vont se faire leur place en quelques mois, généralement dans les interstices, parfois les failles, laissées par l'administration locale. Et c'est de cette façon que l'élu devient un décideur : le lien avec l'organisation administrative est infiniment plus rassurant pour le nouvel élu que le petit réseau politique de campagne qui n'accompagne plus l'impétrant élu au lendemain des élections dans le dédale institutionnel. C'est ainsi qu'on devient un décideur, en additionnant la compétence par l'assimilation progressive du savoir-faire administratif, et le contact avec les experts, à la légitimité élective puisqu'elle reste sans remise en cause jusqu'à l'exercice électoral du mandat suivant.
Aujourd'hui, notre démocratie locale vit sous l'empire des entreprises franchisées qui colonisent notre économie et détruisent l'autonomie locale de la décision économique, des partis politiques qui exploitent tous les sièges électifs locaux comme des relais de leur puissance étalonnés sur une échelle nationale, et sous l'empire aussi des cadres dirigeants des administrations territoriales qui font transhumance en contrepartie d'une carrière privilégiée en imposant hiérarchiquement des méthodes de modernisation aux agents qui, eux, cultivent toute leur vie le même petit champ local de service public. Sans doute faut-il mentionner aussi l'Empire, et cette fois avec un E comme État, tant notre République nationale garde le contrôle des collectivités territoriales par la codification des règles internes des organisations publiques locales au travers de différents codes juridiques et du contrôle de légalité et plus encore au travers d'une machinerie financière d'une complexité phénoménale où l'État négocie entre les demandes contradictoires des collectivités qui s'alimentent aux mêmes ressources de dotations et garde le contrôle de l'instrument fiscal. Dans ce tableau, il n'est question que de moyens, de consommateur, d'électeur ou d'usager, jamais de citoyen aspirant à une collaboration autonome et libre, et en capacité d'agir.
La démocratie consiste à engager les individus, c'est aussi vrai dans le travail que dans les affaires publiques. Ouvrir la démocratie, c'est ouvrir du débat politique, c'est-à-dire des discussions sur les finalités ou les enjeux, ce qui inclus évidemment une investigation collective préalable aux choix. A-t-on besoin, dans un système démocrate, d'élus entre le peuple et les experts ? Contrairement à ce que la liturgie républicaine nous a asséné depuis deux siècles, cette certitude mérite discussion et commence à être discuté : et pourquoi pas des représentants tirés au sort ? Ou la mise en place d'un mandat impératif via des outils internet de participation citoyenne comme les partis pirates le proposent ? Les outils de la « démocratie liquide » sont moins simplistes que ce que peuvent en supposer ceux qui n'en savent rien… Il y a aussi une culture de la mauvaise foi chez ceux qui n'ont pas intérêt à savoir quoi que ce soit. Au fond, les incertitudes des nouveaux élus sur leur rôle sont plutôt saines et les certitudes des élus transformés en décideurs posent problème d'un point de vue démocratique. Quel doit donc être le rôle des élus dans la démocratie locale ?

Les communs avec les libertés individuelles

Quand on a dit qu'il revient au peuple de décider, aux experts d'apporter leur savoir et à l'administration de mettre en œuvre, que reste-t-il ? Il reste la pertinence de rechercher des solutions face à l'écroulement d'un système ancien reposant sur le salariat, à la consommation illimitée des ressources naturelles et à l'autorité de l'État. Il reste donc la nécessité de mobiliser l'imagination politique dans toute la société aux représentants publics locaux, et une fonction ouverte perdure : produire une vision partagée des enjeux, des alternatives, et de la volonté populaire.
On peut penser que cela ne sert à rien, mais il y a contenu essentiel : déterminer quelles doivent être les affaires publiques qui s'imposent à tous, quelles peuvent être les affaires communes qui nécessitent de déterminer des périmètres locaux et des gouvernances ad hoc, qu'est-ce qui doit rester privé ? 
Qu'est-ce qui doit rester public ? Et qu'est-ce qui doit être commun ? Rien de tout cela ne nécessite compétence ou expertise, si ce n'est un art de la sociabilité et de l'investigation pour permettre à toutes les voix de s'exprimer librement pour adhérer à une voie sociale unique de gouvernance, tout en permettant « la dispute », c'est-à-dire la variété des propositions possibles aux enjeux politiques.
La démocratie locale doit redonner une place au communautaire, c'est-à-dire à des unités collectives distinctes du privé et du public. En retrouvant les communs, on retrouve la nécessité d'une créativité en matière de gouvernance collective mais sans la culture d'unanimisme qui régnait avant l'époque moderne où l'on ne reconnaissait pas les libertés individuelles. C'est une grande différence. La démocratie locale au 21ème siècle, c'est l'imagination collective pour mettre des choses en commun sans diminuer les libertés individuelles qui n'existaient pas au 18ème siècle, ni sur le plan religieux, ni sur le plan des pratiques sexuelles et des configurations familiales notamment. Armel Le Coz le dit très bien, il faut explorer et embarquer les citoyens qui veulent renouveler l'organisation démocratique. La communauté produit une cohérence de lieu qui correspond à un nouvel impératif structurel : les idées, le savoir et les données immatériels peuvent et doivent circuler sur l'ensemble de la planète à un coût quasi-nul, mais en revanche il faut cesser de faire circuler la matière sans considération écologique de préservation écologique de la planète. Cela signifie qu'il y a parallèlement une grande liberté de relations intellectuelles complexes et lointaines et qu'il y a une grande contrainte de limiter la circulation de la matière, ce qui oblige à plus de collaboration locale, aussi bien pour l'énergie que pour l'agriculture.

« Nous avons été élus pour organiser le débat public », je ne vois pas comment dire mieux que Sabine Girard. Faut-il des élus pour cela ? Et pourquoi pas ? On pourrait préférer le terme de commissaire du peuple (2), tant il convient de redorer le blason de l'investigation collective pour renouveler la gouvernance. Il faut juste choisir entre les 36 façons de désigner des responsables temporaires en n'oubliant pas que la stabilité de la méthode pour élaborer et trancher les choix politiques compte bien moins que la stabilité de la fonction de gouvernance populaire. S'il doit y avoir des élus, leur rôle n'est pas de se substituer pour décider mais d'assurer que l'imagination populaire se développe et reste au pouvoir.
(1) Le mot rhizome est ici une allusion à « Mille plateaux », G Deleuze et F Guattari, éditions de Minuit, 1980.
(2) Malheureusement, ce terme pertinent a laissé une image dévoyée par le régime soviétique (le mot soviet a lui aussi été dévoyé de la même façon...)

mardi 31 mai 2016

Administrations territoriales libérées : des candidats ?

L'association des dirigeants territoriaux et anciens de l'Inet a ouvert l'année dernière les ETS à Isaac Getz pour parler de l'administration libérée, et sa présidente Claude Soret-Virolle a invité, au travers d'une interview de la Gazette des communes, à interroger « l'intégralité du mode de management » comme le rare moyen de donner du sens aux contraintes financières. Est-ce que ce nouveau type de management proposant un fonctionnement plus engagé de ses membres par une réduction drastique de la hiérarchie peut être envisagé dans les collectivités locales ? Il y a de sérieux obstacles, mais je pense qu'il faut absolument essayer de les dépasser. Mon choix de professionnel territorial est fait : ce sera cela ou rien d'autre ! Découvrons les caractéristiques majeures de cette révolution managériale avant d'essayer de jauger sa pertinence au regard des spécificités du secteur territorial.
L'administration publique locale est sous la pression de deux événements importants : la baisse des dotations de l'État entamée en 2014 et la refonte de l'intercommunalité qui regroupera au 1er janvier 2017 la quasi-totalité des communes françaises en un peu moins de 1 300 EPCI. Cette modification de la carte intercommunale est faite de fusions de communauté, parfois même de fusions de communes (25 fusions concernant 130 ex-communes dans le Maine-et-Loire au 1er janvier 2016), d'inévitables ajustements de compétence et de schémas de mutualisation des services. Dans un contexte bousculé comme jamais, est-il pertinent d'en ajouter une couche en introduisant une ambition supplémentaire de rénovation managériale ? On se concentre sur les économies, mais comment faire de réelles économies : pressurer les organisations certes, mais avec les reconfigurations commencent immédiatement des problèmes de râteaux hiérarchiques : un seul DGS à la place de deux ou trois, l'un va-t-il devenir l'adjoint (frustré ?) de l'autre, et le problème se répète en cascade à tous les échelons…

Le monde sans pyramide hiérarchique
Alors, « administration libérée », de quoi s'agit-il ? Je viens de suivre le mooc innovation managériale après une lecture attentive du livre de Frédéric Laloux, Reinventing organizations, je vais essayer d'expliquer l'essentiel. Dans le principe, cela consiste à supprimer le pouvoir du DGS à donner des ordres, et à écrouler toute la pyramide hiérarchique parce qu'il y a d'abord un constat sociétal général, impitoyable, qui concerne aussi bien les entreprises que les administrations : le salariat est malade, les gens n'aiment pas leur travail. Ils s'y ennuient, ne se sentent pas reconnus, ils en ont ras-le-bol ! Vous ne saviez pas ? C'est incroyable, beaucoup de gens ne savent pas : les médias n'en parlent pratiquement jamais ( le documentaire intitulé « le bonheur au travail » diffusé sur Arte le 24 février 2015 a pourtant eu un énorme succès !), les responsables politiques et publics, en tous cas, ont l'air encore moins informés que les autres. Le Président de la Cour des comptes, Didier Migault, qui réclame le respect des 1607 heures par an ou le candidat à l'élection présidentielle le plus populaire de France par exemple, Alain Juppé, n'ont pas l'air au courant. Écoutez Isaac Getz, c'est très amusant et cela donne tout de suite l'impression d'être plus informé que les grands décideurs de ce pays : 


Le premier gaspillage massif, c'est la démotivation des salariés, Isaac Getz nous amuse beaucoup en décrivant sans pitié ce que nous connaissons tous. L'humour est souvent la première étape de la prise de conscience. Quel énorme gaspillage, nous le savons tous, on rit parce que nous sommes encore sous la pression du tabou au lieu de nous occuper sérieusement de ce désengagement, qui est pourtant, hélas, solidement documenté : les sondages Gallup sont récurrents et implacables. Quelques entreprises dans le monde, et même en France, ont rompu avec le modèle hiérarchique et ont décidé de cultiver la motivation de leurs salariés. Il y a même un ministère belge qui s'est lancé dans cette aventure. Attention, il n'est pas question de motiver les gens, mais de cultiver leurs motivations personnelles, c'est plus qu'une nuance, c'est une rupture pour entrer dans un autre monde.

Auto-gouvernance organisée
Les entreprises qui se sont engagées dans cette voie ont connu des réussites exceptionnelles. Mais est-ce applicable dans nos administrations locales ? Avant de nous intéresser aux facteurs particuliers de nos collectivités locales françaises, essayons de regarder d'un peu plus près ce qu'on sait des expérimentations. La première condition pour réussir ce genre d'innovation, c'est la présence d'un dirigeant convaincu et très engagé dans cette rénovation managériale où l'empowerment est la clé de voûte : le dirigeant renonce radicalement au pouvoir de donner des ordres, il soutient au contraire en permanence la capacité d'agir des membres de l'organisation. Qu'il s'agisse d'une entreprise industrielle, d'une entreprise de services infirmiers ou même… d'une administration publique belge. Frédéric Laloux analyse cela sous toutes les coutures : le soutien du conseil d'administration ? Utile, nécessaire même pour la pérennité de la rénovation, mais pas déterminant... L'adhésion des cadres et des agents d'exécution ? L'étude des expériences dit systématiquement qu'elle n'est pas spontanée mais qu'elle ne constitue finalement jamais un blocage. Jamais, même si une minorité d'employés (jusqu'à 15 % dans certains cas) quitte l'entreprise parce qu'elle supporte mal la perte du confort d'avoir un chef qui dit ce qu'il faut faire et comment. La dimension de l'entreprise ? Nenni derechef, l'abolition de la hiérarchie fonctionne aussi bien dans une entreprise avec des milliers de salariés que dans une TPE !
Donc d'abord le cadre dirigeant. Il n'est pas supérieur, il reconnaît l'égalité intrinsèque de tous les membres de l'organisation, il doit avoir une bonne connaissance de lui-même et renoncer totalement à dissimuler sa personnalité. Jean-François Zobrist va parler directement à tous les ouvriers de la PME picarde FAVI au moment de la crise de 2008 : il dit ses incertitudes, l'entreprise est ébranlée, elle est en danger. Michel Sarrat (GT Location) exprime aussi ses doutes quand il supprime le poste de DRH, etc. Le terme même de dirigeant devient ambigü, c'est un leader humble, qui assume un rôle de coach en interne et qui peut assurer d'autres rôles comme n'importe quel autre « collègue » de l'entreprise. Il garde toutefois le rôle d'ambassadeur et le rôle de penseur d'une vision de l'avenir de l'entreprise qu'il doit animer avec ses collègues.
Ensuite, dans cette nouvelle école du management, on parle de « lâcher prise ». Il s'agit de faire confiance aux gens qui travaillent, à leurs capacités d'analyse, d'adaptation et d'initiative. Pas de contrôle, même pas de budget, seulement une obligation d'avis. Imaginez, l'agent technique chargé de la voirie qui déciderait lui-même l'achat d'un équipement de plusieurs centaines de milliers d'euros ! Oui, oui, c'est ce qui peut se passer dans des organisations de ce type. L'agent n'aurait qu'une obligation, celle de consulter tous ses collègues impactés par cette acquisition, l'initiateur étudie, consulte et tranche out seul ! Le pouvoir repose sur la compétence, en l'absence de tout contrôle hiérarchique, et en dehors de toute considération de statut. La compétence peut en revanche être discutée par n'importe quel collègue. Bien entendu pas de pointeuse, pas d'objectifs à atteindre, l'auto-gouvernance est généralisée. Suppression de toutes les rémunérations horaires, mensualisation généralisée. Vous pouvez même amener votre chien au bureau, si vos collègues impactés par la présence du toutou sont d'accord. Il paraît que les animaux sont déstressants et de bons vecteurs de sociabilité… Un autre monde que celui que nous connaissons, c'est clair. Le basculement est une épreuve pour tout le monde, en particulier pour l'encadrement !

Aspiration démocratique et égalité
Troisième caractéristique qui ne surprendra pas : la transparence. Le pouvoir hiérarchique repose bien souvent sur la rétention de l'information, il n'en est évidemment plus question. Et cela ne s'arrête pas à la transparence formelle à propos de données objectives, techniques et financières, puisque l'on va prendre aussi en considération ses collègues, leurs motivations, leurs contraintes et leurs aspirations qui ne s'arrêtent pas forcément au cadre de l'entreprise ou de l'administration. Ainsi, par exemple, les fonctionnaires belges des affaires sociales ont-ils massivement choisi de télé-travailler en raison du temps de transport entre le domicile et le bureau. Il s'agit de cultiver la plénitude de tous les collaborateurs. Ils ont choisi, décidé, ils n'ont pas attendu un guide d'accompagnement de la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique approuvé par une instance supérieure.
La dernière dimension de ce management réinventé et libéré, c'est la focalisation sur la raison d'être de l'entreprise ou de l'administration. Quand il y a un chef et des gens qui obéissent, il y a l'horizon de l'entreprise et l'horizon des employés. Pour beaucoup, l'horizon se résume à un salaire pour revivre le soir dès qu'on franchit la porte de la boîte, comme le persifle Isaac Getz. Avec la raison d'être, on dépasse le salaire et le profit, il y a une aventure collective, tant pour Morning Star, cette entreprise californienne qui fait du concentré de tomate, que pour Buurtzorg qui fait des soins infirmiers à domicile aux Pays Bas. L'aventure collective engage tous les salariés et même la relation avec les fournisseurs et les clients : ces entreprises ont en commun d'avoir beaucoup personnalisé leur process et d'avoir beaucoup innové. Et si on le sait encore si peu, si les décideurs semblent aussi ignorants de ces questions fondamentales de ce management, ce n'est pas qu'ils soient mal intentionnés ou insuffisants intellectuellement, c'est que la raison d'être ne se quantifie pas, ne se mesure pas et donc ne se contrôle pas. Il n'y aura jamais de procédure ascendante d'évaluation des oligarchies, cela ne servirait de toute façon à rien puisque l'oligarchie est une raison d'être acquise et atteinte par elle-même.
Sans doute est-ce cette question de la raison d'être qu'il faut positionner au premier plan pour essayer de penser ce que nous pourrions faire dans nos collectivités locales de France. Isaac Getz ne manque jamais de mettre en avant l'égalité intrinsèque : par-delà les métiers, les savoir-faire et les techniques que chacun d'entre nous met en œuvre dans différents rôles, il s'agit de reconnaître que nous sommes tous égaux. Même s'il y a un monde entre Isaac Getz, professeur à l'ESCP de Paris, et Jacques Rancière, philosophe, ancien élève de Louis Althusser et auteur du « Maître ignorant », on aurait du mal à trouver une réelle différence de fond entre les deux sur ce postulat fondamental. Dans un bureau municipal ou communautaire, on connaît très bien cette situation : quand on a fait le point sur tout ce que l'on sait à propos d'une décision délicate, et même sur tout ce que l'on ne peut pas savoir davantage, il ne reste que les incertitudes, les risques et la subjectivité de chacun pour y faire face. Si l'on ne connaît pas cela dans l'instance de décision collective, c'est que la démocratie n'y existe pas. Dans la réalité, la décision consiste à se séparer de possibilités pour l'avenir en en choisissant une seule, l'exercice du pouvoir est inconfortable et le simple partage est un soulagement, assez loin du pouvoir fantasmé qui n'est un plaisir que dans l'apparence. Souvent d'ailleurs, dans les circonstances fortes où les décisions pèsent, il est demandé aux cadres territoriaux présents d'exprimer leur avis subjectif, même si leur choix ne compte pas quand l'arbitrage donne lieu à un vote : ce sont des moments d'égalité, de respect pour les convictions et les doutes individuels où n'importe quel jury bien informé par l'expertise disponible ne ferait ni mieux, ni plus mal.
L'idée démocratique de notre époque est anti-autoritaire, anti-top/down, anti-jacobine, elle ne porte pas de convergence consensuelle mais la nécessité de reconnaître la puissance de la communication latérale. Le gouvernement comme le management par la domination nous pèsent, en vérité nous les trouvons insupportables, chacun de nous aspire à être reconnu avec l'intelligence indissociable de la sensibilité personnelle. La surveillance et le contrôle par la hiérarchie sont des dénis de notre être, au-delà des savoir-faire professionnels inégaux, le postulat est que nous sommes tous des êtres subjectifs égaux. Nous voulons la liberté, le partage des connaissances et la préservation de notre environnement et des communautés auxquelles nous appartenons.
Pourquoi une collectivité locale serait-elle autre chose qu'une entreprise de démocratie ? Le premier souci que nous avons est de savoir qui est le dirigeant de l'administration locale… un sujet déjà maintes fois évoqué dans ce blog. Nous avons un problème de bicéphalite dans nos collectivités avec le Maire ou le Président et le Directeur Général des Services (DGS), l'un a la légitimité politique et l'autre la légitimité professionnelle, mais la distinction n'est pas explicite. Le problème, c'est que les règles sont écrites hors de l'organisation locale par un Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui est la règle supérieure de nos collectivités, « le Parlement est bien en matière d'administration régionale et locale, le seul pouvoir « constituant » institué » comme l'écrit FX Aubry. : autrement dit, la décentralisation a été octroyée mais nos collectivités locales non constituées par elles-mêmes restent un faux-semblant démocratique puisque la loi fondamentale n'est pas définie par les ressortissants locaux mais par les parlementaires si ce n'est le Gouvernement. La collectivité publique obéit à l'État avant d'obéir au peuple local. Rappelons qu'avant la Révolution, les communes fondées au Moyen-âge reposaient sur des chartes et que l'idée même des communs, qui refait surface ces dernières années, repose sur l'auto-gouvernance.

Un chef hiérarchique qui ne l'est plus dès que le patron diminué prend sa place
L'État interfère dans la gouvernance locale, nous ne sommes pas sortis de l'absolutisme étatique parachevé par Napoléon Bonaparte, il se réserve sur la commune « les droits d'un maître qui peut retirer ce qu'il a donné », les pouvoirs qu'il a « sur ses communes sont juridiquement illimités » (FX Aubry). Ainsi avons-nous, concrètement, un statut de la fonction publique territoriale imposé par l'État qui installe une hiérarchie, sans lien direct avec les métiers, qui concerne aussi bien le dirigeant que les cadres et les autres agents. Les méfaits du système patronal de nos collectivités locales sont innombrables parce que les élus n'ont ni la légitimité professionnelle, ni la réelle maîtrise de la gestion financière. Du côté des recettes, il y a plus de 60 ressources différentes, dotations ou compensations qui représentent la moitié des recettes dont les élus locaux dépendent sans contrôle de l'évolution. Ensuite, il y a des recettes fiscales administrées par les services fiscaux de l'État qui détestent rendre compte aux collectivités locales, le Trésor public qui tient le compte bancaire, il reste le vote des taux avec des options de manœuvre de répartition assez limitées et environ 10 % de recettes d'exploitation de services qui n'ont généralement pas vocation à la rentabilité… Du côté des dépenses, la masse salariale absorbe plus de 50 % des dépenses avec des règles de la fonction publique définies par l'État. J'ai souvent usé moi-même des termes de patron pour parler du Maire et de chef pour parler du DGS que j'étais, je ne suis pas sûr que le second degré ait toujours été bien compris… La réalité : nous avons un patron très diminué et un chef hiérarchique des services qui ne l'ai plus dès que le patron diminué prend sa place.
La décentralisation n'a pas donné beaucoup plus que les apparences du pouvoir. Les élus locaux ont le pouvoir d'orienter les investissements quand la collectivité peut dégager de la marge, point. Il y a pourtant une ressource de pouvoir local essentielle qui échappe complètement à cette description : la population, les citoyens de la localité. Il y a une différence politique très substantielle entre un commun et une institution publique locale : le commun définit sa gouvernance, c'est-à-dire ses propres règles, avec son périmètre, les droits de ses membres et même de ses non-membres, en clair il s'auto-régule alors que l'institution locale est un démembrement de l'État avec des délégations, pour ne pas dire des relégations, de l'État. Concrètement, cela signifie qu'on doit pavoiser les bâtiments publics quand le préfet le demande… Je caricature ? Oui et non. Oui, l'état-civil, la délivrance de permis de construire sont des fonctions déléguées mineures. Mais, en réalité, beaucoup de fonctions locales sont vassalisées et cela a de lourdes conséquences sur le management et sur son sens.
L'éducation est le cas le plus évident. Les écoles sont un démembrement avec des personnels enseignants sous la maîtrise de l'État et toute la logistique scolaire sous l'autorité de la collectivité locale. En tant que DGS, il m'est arrivé quantité de fois de rappeler aux agents des écoles qu'ils étaient au service des enfants et de leurs parents et non au service des enseignants ou de l'Éducation Nationale. L'instauration du service minimum d'accueil m'a tout de même déjà donné tort, puisque la collectivité locale doit fournir du personnel en fonction du taux de grève parmi les fonctionnaires enseignants de l'État… Mais, ne nous perdons pas dans les détails. Comment peut-on travailler sur la raison d'être d'une école quand on a deux employeurs différents et permanents sous le même toit ? Est-ce que la logistique peut constituer en soi une raison d'être motivante au même titre que l'activité d'enseignement ? Nous sommes-là dans une caricature de hiérarchie, puisqu'il y en a deux qui cohabitent, l'une étant un démembrement de l'autre. Cela va être assez difficile d'expliquer qu'on supprime toute hiérarchie au sein des personnels de l'école, ce n'est pas le genre des inspecteurs d'académie !

"Réintroduire de la diversité dans notre pensée politique"
Mais pourquoi ne pas imaginer de sortir l'éducation des enfants des institutions publiques locales ? De faire un commun avec une gouvernance associant les acteurs concernés : élèves, parents, enseignants et autres personnels, propriétaires des locaux, etc. On pourrait commencer par un voyage au lycée ESBZ de Berlin, c'est ce qu'ils font – avec d'excellents résultats… C'est ce que font les écoles privées en général, catholique ou pas (il y a aussi les écoles Montessori, Steiner, Diwan, etc) avec un contrat d'association ou pas. La collectivité locale pourrait sortir les charges (personnel et bâtiment) et ressources (quelques produits d'exploitation et recettes fiscales) de son budget en partie ou en totalité ou pratiquer par subvention comme une école privée. En revanche, il n'est pas possible a priori de défiscaliser les ressortissants de la commune en fonction des suppressions de postes de l'Éducation Nationale… Les enseignants issus de l'Éducation Nationale sont les premiers à déscolariser leurs enfants, nul ne peut contester que l'éducation est une question à la fois individuelle, familiale et sociale importante. Cela devrait faire l'objet d'un débat public local intéressant avec de nombreux aspects, dont le financement par l'impôt local et national.
Il est d'abord important de distinguer entre ce que l'on fait sur le territoire : du commun autogouverné ou du relais local de la puissance publique ? « Nous devons réintroduire de la diversité dans notre pensée politique. C’est ce que les communs tentent de faire, non pas contre le marché ou l’État, mais à côté, avec des porosités possibles entre les 3 sphères » dit Valérie Peugeot. A un moment où l'on va nous proposer, très probablement, de généraliser la cohabitation deux règles d'emploi dans les collectivités locales, comme on l'a fait dans les entreprises publiques où l'on trouve des fonctionnaires et des contractuels sous le régime général, il est forcément important de se poser la question de la raison d'être de nos collectivités territoriales : qu'est-ce qui est communautaire ? Les routes, les installations de télécommunications, les écoles, les équipements de sports et de loisirs, l'urbanisme, l'adduction d'eau ? Peut-être peut-on s'accommoder pour certains services publics d'une fonction relais de l'État, comme pour l'état-civil, la logistique des écoles, les crèches ? Mais, à ce moment-là, faut-il des élus pour accomplir des tâches d'intérêt public au nom et en collaboration avec l'État ? En tous cas, identifier ce qui doit relever de l'auto-gouvernance locale et ce qui doit relever d'institutions publiques sous contrôle d'État mérite certainement une réflexion des citoyens.
Le premier principe de l'organisation libérée, entreprise ou administration, c'est l'auto-gouvernance. Il ne peut pas y avoir de territoire avec une gestion commune, en auto-gouvernance, avec une fiscalité et un Trésor Public, qui tient le compte bancaire, administrés par l'État, ce n'est pas possible. En revanche, on peut envisager de créer une monnaie locale… La question du développement d'une administration libérée amène donc à des questions tout à fait fondamentales sur la nature de nos communes et de nos établissements publics de coopération intercommunale. La démocratie locale a besoin de discerner ce qui relève du communautaire, de l'État et du secteur privé.
Nous n'arriverons pas à libérer nos administrations locales du modèle hiérarchique autoritaire sans reposer les questions fondamentales relatives au sens de leur légitimité politique. Il s'agit non seulement de souligner que « la démocratie ne peut se réduire aux élections » comme le dit fort justement Jo Spiegel, mais il faut reconsidérer la nature de ce qu'elles gèrent sous le contrôle ou en partenariat avec d'autres institutions publiques ou en pleine autonomie. Le rapport entre la fonction politique des élus locaux et le management de l'administration locale est dans les réponses qui seront apportées à ces questions. Une équipe élue priorisant la fonction de relais institutionnel sera peu encline à aller vers une administration libérée alors qu'une équipe municipale orientée essentiellement vers sa fonction d'animatrice du débat public des citoyens (cf l'interview de Sabine Girard dans La Lettre du Cadre) sera plus disposée à rechercher une administration auto-organisée, sans hiérarchie. En collectivité locale, il faut d'abord que les élus prennent de la distance avec la position patronale, aussi longtemps qu'ils se représenteront eux-mêmes en décideurs en se positionnant au sommet de la hiérarchie, on en restera aux termes d'un statut et de l'obéissance. A partir du moment où on recherche l'expression d'une décision commune au nom des citoyens du territoire, on peut entrer dans l'auto-organisation aussi bien dans le rapport aux citoyens que dans le rapport aux personnels de l'administration.
Le plus grand travers de l'État français, c'est de déverser du chloroforme sur toutes les contradictions sociales. C'est comme cela que l'on arrive à un système autoritaire sans autorité. Si l'on veut de la démocratie, autant dans le travail de l'administration que dans les choix publics, il faut que chacun puisse s'exprimer librement et que les contradictions soient exposées et arbitrées dans un système transparent que chacun puisse comprendre et admettre.
On ne fera pas disparaître le CGCT et le statut de la fonction publique territoriale d'un coup de baguette magique, mais on peut assécher une large partie la portée des règles qui s'imposent à la collectivité locale. On peut très bien, par exemple, supprimer des emplois, créer des sociétés publiques locales de service, et surtout s'appuyer sur sa base de légitimité quand on est un élu. On peut mobiliser un jury populaire et toute la population, et contre une administration d'état si c'est nécessaire. Il y a plus de marge d'action dans le rôle de community organizer que dans le port de l'écharpe tricolore. Pour libérer l'administration, il faut entrer en démocratie et cela ne peut pas se faire à moitié.

Sortez de l'emploi formaté !
Entrer en démocratie, c'est perdre à la fois la tutelle et la protection, c'est se dire qu'il n'y a pas d'autre sécurité que ses collègues ou ses concitoyens. Il faut évidement cesser de cacher la gestion du personnel municipal et intercommunal derrière des écrans de complexité juridique fumeuse. Je me souviens d'un entretien d'embauche où l'on m'a questionné sur la question du reformatage d'un service. Temps que nous sommes dans un système où les processus n'ont pas atteint l'optimum et qu'il faut faire avec une baisse de ressources financières, il faut privilégier la suppression des emplois. Si la priorité est donnée à la baisse de la masse salariale, le directeur général organise la suppression des postes, et il vaut mieux mettre en place une organisation performante d'autant que la suppression de postes aboutit à la remise des fonctionnaires au Centre de gestion. La réponse n'a pas ravi le collègue territorial du Centre de gestion qui était là en tant que membre du jury. Quelque temps après, j'ai appris par un consultant de la région que j'avais peu de chance d'obtenir le poste parce que cela arrange plutôt le Centre de gestion de placer un collègue déjà en place dans son département. C'est ce qu'il s'est passé, peut-être est-ce une coïncidence, peu importe, l'essentiel c'est qu'il faut sortir des apparences, des compromis sans rigueur et sans arbitrage. Il y a des effets de système, supprimer des emplois peut mettre en difficulté le centre départemental de gestion si la méthode essaime ! Mais le DGS ne peut que dire où est l'intérêt de la collectivité si sa priorité est réellement une baisse de la masse salariale. Que l'on prenne la question scolaire, la rationalisation d'un service, surtout s'il s'agit d'un service mutualisé à l'échelle intercommunale, il n'y a pas de solution solide, pérenne et efficace sans mise en cause des rôles, surtout quand on doit faire face à une crise. Un jour peut être les centres de gestion diront qu'il faut faire les recrutements par les collègues plutôt que par les élus et que les offres d'emploi formatées ne servent pas les employeurs… peut-être.
La communication latérale est poussée par la culture numérique, et ce n'est pas une question de transparence uniquement c'est aussi et surtout un enjeu d'efficacité pour innover constamment dans un monde complexe où les systèmes hiérarchisés n'arrivent pas à être agiles, c'est-à-dire souples et rapides pour répondre aux problèmes posés. Je suis candidat pour manager une administration allant dans cette direction, mon CV est à disposition, ainsi que le dernier test de personnalité effectué (MBTI). Contractuel, à temps plein, à temps partiel, ou prestataire, peu importe : qu'il s'agisse d'aider les démocrates, n'importe quels démocrates, seulement les démocrates ! Mais y a-t-il des territoires candidats ?


Les principales sources utilisées pour rédiger cet article :
« La décentralisation contre l'État », FX Aubry, Éditions LGDJ 1992.
« Reinventing Organizations – vers des communautés de travail inspirées », F Laloux, Éditions Diateno, 2015.